Malgré les obstacles qui se dressent sur leur chemin, les Africaines ont permis au continent d’abriter le plus grand nombre d’entrepreneuses au monde. Aux Journées européennes du développement, à Bruxelles, des « Young Leaders » se sont exprimées sur la question. Par Marlène Panara, à Bruxelles.
Les Africaines sont championnes du monde de l’entrepreneuriat. D’après la dernière étude sur le sujet publiée par le cabinet Rolland Berger pour Women in Africa, près de 24 % des Africaines en âge d’exercer un emploi sont impliquées dans la création d’entreprises. C’est bien plus que partout ailleurs. À titre de comparaison, le même taux table sur 11 % en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, des régions pourtant parmi les plus pourvoyeuses d’entrepreneurs. Toujours selon l’étude, l’entrepreneuriat féminin engendrerait entre 250 et 300 milliards de dollars américains, soit environ 12 à 14 % du PIB du continent.
Malgré une réelle dynamique constatée dans les chiffres, sur le terrain, la situation est plus complexe. Première difficulté ? « Affronter un environnement qui est clairement hostile aux femmes », affirme Sandra Ajaja. La jeune femme, invitée aux Journées du développement (EDD) organisées par la Commission européenne, sait de quoi elle parle. « J’ai moi-même été confrontée à ce problème, raconte-t-elle. Quand on est une femme et que l’on veut créer son entreprise, on doit se battre davantage. Obtenir des financements est, par exemple, très compliqué. »
Des formations inadaptées
Pour mettre fin aux injustices, et pour faciliter aux femmes l’entrée sur le marché du travail, Sandra Ajaja fonde FemPower Africa à Lagos, sa ville de naissance. Et s’attaque à une autre difficulté bien connue des entrepreneuses africaines : le manque de compétences adaptées. Un problème que souligne d’ailleurs, aussi, l’étude de Women in Africa. « Le déficit de formation adaptée à la création d’entreprises empêche les femmes de poursuivre leur activité. Monter un business plan, tenir une comptabilité…, ce sont des choses qu’elles n’ont pas pu apprendre dans leur scolarité, et qui sont pourtant indispensables au développement d’une entreprise », peut-on lire dans le rapport. Conséquence, si les affaires fonctionnent bien dans les premiers temps de la vie de l’entreprise, elles stagnent rapidement.
« Beaucoup de femmes au Nigeria sont au chômage, car leur formation ne leur permet pas de trouver du travail. C’est pour leur fournir les compétences nécessaires à l’entrepreneuriat que FemPower s’est lancée dans la formation, notamment dans le secteur des nouvelles technologies », explique sa fondatrice. Avec ses 2 000 membres et ses 30 bénévoles, l’entreprise sociale de Sandra Ajaja a déjà facilité la création de 52 entreprises détenues par des femmes, et formé plus de 2 000 à la création d’entreprises au Nigeria, au Kenya et en Zambie. Près de 200 femmes ont également pu bénéficier d’un apprentissage au codage et aux compétences numériques Google.
Plus de femmes dans le numérique
Un secteur auquel se consacre également Inès Tatiana Hounjo. « Les femmes ne sont pas assez représentées dans le numérique, l’intégration est difficile », déplore-t-elle. Experte en informatique, la jeune Béninoise multiplie les initiatives destinées à la réduction des inégalités hommes-femmes dans le numérique. Women TechMakers, un programme développé là aussi par Google et basé à Abomey Calavi, offre des formations aux femmes dans le secteur.
L’objectif de cet apprentissage est de « créer des solutions adaptées aux réalités locales ». Les solutions « qui viennent de l’extérieur, même si elles marchent bien à l’étranger, ne peuvent pas régler des problèmes endémiques à l’Afrique, assure Inès Tatiana Hounjo. Dans certaines régions du Bénin, on doit faire sans Internet, par exemple. On doit donc créer des programmes et des plateformes qui ne requièrent pas de connexion ».
Et en Afrique de l’Est ?
À des milliers de kilomètres du Bénin, en Zambie, où le taux d’activité entrepreneuriale des femmes atteint 40 %, les combats sont les mêmes. Inota Cheta en est certaine, « les femmes ont moins d’opportunités économiques que les hommes, c’est un fait ». « Entre leur vie de femme et les impératifs liés au bon fonctionnement du foyer, se former à la création d’entreprises est quasi impossible. » Après l’obtention de son master en économie à l’université de Zambie, l’étudiante fonde alors SheEntrepreneur. L’ONG apprend aux femmes à « monter leur entreprise, même avec peu de ressources au départ », à créer de l’emploi, et leur fournit les outils indispensables à la pérennité de leur projet. Depuis 2015, 500 jeunes Zambiennes ont pu bénéficier de l’apprentissage de SheEntrepreneur.