« Donner l’opportunité aux protagonistes , aux belligérants de s’exprimer (même aux terroristes) en leur offrant des espaces d’expression , interviewer les différentes couches sociales, diffuser des messages de paix et promouvoir la paix, la cohésion sociale et le vivre-ensemble, échanger avec les personnes ressources, travailler à l’éveil des consciences, mettre en avant et privilégier le pardon, trouver des voies et moyens pour apaiser les tensions entre les parties, promouvoir les nouvelles normes sociales ainsi que les outils qui aident à la gestion de la non-violence (par tous les canaux) et partager son expérience en ce qui concerne les conflits en animant des panels ou conférences », telles sont les propositions des femmes journalistes lors de leur causerie-débat pour une résolution effective de la crise qui secoue le Burkina Faso (BF).
Le centre de presse Norbert Zongo (sis au quartier Gounghin dans la capitale Ouagadougou) a abrité en son sein une causerie-débat entre des femmes journalistes le vendredi 19 août 2022.
Ces femmes (25) issues des médias publics et privés de la presse écrite, de la presse en ligne, de la télé et de la radio, se sont penchées sur « la contribution de la femme journaliste en prévention, gestion et résolution des conflits et consolidation de la paix ».
Cette rencontre a été possible grâce à WANEP (réseau ouest-africain pour l’édification de la paix) et DDG (groupe danois de déminage) et rentre dans le cadre des activités des membres du Vivier d’expertise féminin pour une gouvernance inclusive au Sahel (Programme de Leadership féminin).
Une des membres du Vivier Burkina en la personne de Téné Bénédicte Ouédraogo, journaliste reporter, promotrice du site web www.femininactu.com et consultante en communication, éprise de paix et de cohésion sociale, en tant que femme a jugé nécessaire de rencontrer ses consœurs afin de se pencher sur le fléau (terrorisme) auquel est confronté le Burkina Faso (BF) depuis 6ans. En effet, le pays fait face à l’hydre terroriste le plongeant dans une insécurité.
Au cours de cette causerie-débat, les femmes sont revenues sur la définition des mots clés avant de donner des propositions pour une résolution des conflits et une consolidation de la paix afin que le pays retrouve sa paix, sa quiétude d’antan.
En ce qui concerne la résolution des conflits, une des femmes journalistes a insisté sur le fait qu’une opportunité doit être donnée aux terroristes afin qu’ils puissent s’exprimer et peut-être qu’on saura le pourquoi de leurs agissements. Cette proposition a suscité de houleux débats puisque certaines étaient pour et d’autres contre et les participantes ont invité cette dernière à s’exprimer.
Pour elle, les terroristes ne doivent pas être de prime abord accusé ; il faudrait connaitre les motifs de leur radicalisation pour mieux les comprendre « En tant que journaliste, nous sommes tentés d’aller vers eux pour savoir et connaitre leurs motivations. Tu ne peux pas traiter une maladie si toute fois tu ignores les causes. En allant vers les terroristes, tu pourras avoir des informations qui seront traitées et utilisées pour les sensibiliser et sensibiliser aussi la population : c’est la raison pour laquelle j’ai dit d’aller vers les terroristes pour les écouter et cela nécessite de trouver la bonne stratégie pour aller vers eux afin qu’il n’yait pas de conflits après ».
Et parlant de stratégie, elle a souligné qu’il y’a un canal pour les rencontrer « Une personne peut avoir un proche ou un parent qui a été enrôlé dans le terrorisme. Une fois que le journaliste arrive à connaitre cette personne, il peut s’approcher d’elle pour lui demander de l’aider à rentrer en contact avec les terroristes pour connaitre d’avantage leurs motivations. Cette personne peut passer l’information(l’info) à son parent qui à son tour la transmettra à son chef terroriste qui peut décider ou pas de rencontrer le journaliste. Et si le chef terroriste décide de rencontrer le journaliste, c’est lui qui trouvera un lieu de rencontre pour croiser le journaliste (dont la face sera voilée afin qu’il ne puisse plus repérer le lieu de rencontre). Le parent du terroriste sera donc le relai entre le journaliste et les terroristes et une fois le journaliste en contact avec les terroristes, il pourra collecter les infos, les données qu’il traitera de façon impartiale et ne doit pas faire l’apologie du terrorisme. Quoiqu’on dise, chacun a un parent qui est enrôlé forcement et peut être utilisé comme entrée pour aller vers ces groupes et échanger avec eux et ce sont ces informations qui nous permettront de produire nos articles et cela peut prévenir d’éventuels conflits. ».
Il arrive aussi que les terroristes viennent vers les journalistes si toute fois ils remarquent que ce dernier s’intéresse à eux ou diffusent de fausses infos sur eux, a poursuivi une autre abondant dans le même sens que la précédente « Dans ce cas, ils vous fournissent des infos qu’ils veulent que vous publiiez.
Ils peuvent savoir qu’il y’a une journaliste qui s’intéresse à eux et est prête pour la paix.
N’oubliez pas aussi qu’ils nous suivent et savent ce que l’on fait. Ils peuvent vous appeler et vous dire qu’ils veulent donner de la Voix « nous savons que vous voulez parler de nous, mais ce que vous dites est faux et vous écrivez mal. Nous voulons vous rencontrer et vous dire ce que nous faisons afin que vous puissiez bien écrire puisque vous rencontez des histoires ; restez à l’écoute, on viendra vous » ».
Et pour pouvoir les rencontrer, il faut du professionnel si non, vous ne pourrez pas avoir des informations surtout quand on commence à divulguer l’info, laquelle info qui mentionne que vous voulez les rencontrer, a-t-elle renchérit « Ce qui fait que dans le professionnalisme journalistique, il faut pouvoir rester objectif sans partie pris parce que dès lors que tu es partiel, la médiation a déjà échoué puisqu’il y’a une partie qui sent déjà que tu es contre elle et l’écriture journalistique peut avoir un impact négatif ».
Une autre encore pour abonder dans le même sens que les autres, est revenue sur les conventions et les laisser-passer « Partout ailleurs, il y’a des journalistes d’investigations qui sont formés en psychologie, en développement afin de faire face à ce genre de personnes (terroristes) : ils ont aussi des Laisser-Passer avec des conventions qui les protègent lorsqu’ils se rendent au territoire des terroristes qui ne les agressent pas. Ce sont ces conventions qui doivent être traitées entre les deux parties pour permettre aux journalistes d’aller vers les terroristes, recueillir les informations et en recueillant les informations, ils pourront facilement les sensibiliser. Des chefs terroristes se prononcent souvent sur des chaines internationales …, ce qui veut dire que ceux qui partent les rencontrer savent où les trouver ».
Pour celles qui sont contre le fait de permettre aux terroristes de s’exprimer se sont focalisées sur l’impartialité, l’éthique et la déontologie et aussi le fait que le journaliste s’expose à un danger.
Pour elles, lorsque le journaliste ne diffuse pas les infos en leur faveur, il aura des problèmes puisqu’ils savent où le trouver. Une autre raison est que lorsque le journaliste les rencontre, il peut se laisser guider par ses sentiments du moment qu’il est un être qui a aussi des sentiments « Il y’a des terroristes qui ont fait de longues études et certains sont des Docteurs ; ce qui fait qu’ils arrivent à endoctriner et à enrôler les gens. Et à travers leurs exposés et des arguments pointus, ils peuvent convaincre le journaliste et si ce dernier n’arrive pas à faire la part des choses, il fera l’apologie du terrorisme à travers ses productions sans le savoir ».
Pour ce qui est de la prévention, les femmes journalistes ont insisté sur la promotion des émissions interactives, des émissions-débats (dans les radios et télévisions en vue de sensibiliser la population), des micros-trottoirs, faire attention à la manipulation de l’information en période de conflits (il faut toujours vérifier la source de l’info avant de la diffuser à travers le fact checking), sur le renforcement des capacités des journalistes sur la gestion des conflits.
Pour la gestion des conflits, les femmes journalistes sont revenues sur la neutralité et l’impartialité du journaliste dans la collecte, le traitement et la diffusion des informations (être très professionnel en faisant le tri des infos afin d’éviter d’envenimer les choses). Le journaliste doit échanger des personnes ressources (leaders religieux, coutumiers, autorités administratives) et entendre les acteurs pour les prises de décision.
Quant à la consolidation de la paix, le journaliste doit sensibiliser les populations sur le bien-fondé du vivre-ensemble (par les productions et avoir un traitement adapté au contexte), doit renforcer le dialogue entre population (pour éviter d’éventuelles frustrations, trouver des cadres d’échanges pour les anciens protagonistes, mettre l’accent sur des outils qui existent déjà et qui contribuent à rendre le vivre-ensemble plus agréable). Elles ont aussi évoqué la Parenté à Plaisanterie pour promouvoir des journées de partages et de cohésion sociale.
Les femmes journalistes en guise de conclusion, ont promis d’utiliser leurs plumes pour semer les graines de paix, d’entente et promettent être des vecteurs de paix et de sécurité et comme recommandation, elles ont lancé un cri de cœur à l’endroit de WANEP et de DDG en vue de les former en RSS (réforme du secteur de la sécurité.
Flore somda/Bisyandé, une autre membre du Vivier est venue soutenir Téné Bénédicte Ouédraogo et comme les femmes du Vivier ont été renforcées dans plusieurs domaines, Flore à travers un panel( qui se tiendra le jeudi 25aout 2022 à Ouagadougou), se penchera sur la prise en compte du Genre dans la RSS au BF.
Le vivier d’expertise féminin est mis en place dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de Leadership Féminin pour une gouvernance inclusive de la sécurité au Sahel (PLF).
Le vivier est composé de 30 femmes issues des Organisations de la Société Civile du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
Pourquoi la mise en œuvre d’un Vivier ?
Le groupe danois de déminage (DDG) en partenariat avec le réseau ouest-africain pour l’édification de la paix (WANEP) et soutenu financièrement par l’Union Européenne met en œuvre un Programme Leadership Féminin (PLF) pour une gouvernance inclusive dans le Sahel (au Burkina Faso, au Mali et au Niger).
Ce projet a pour but de renforcer la voix des femmes de la société civile en matière de sécurité à travers la mise en œuvre d’un Vivier d’expertise féminin.
En effet, alors que la voix de la société civile en matière de sécurité est généralement faible dans les pays du Sahel, celle des femmes et des organisations de femmes l’est encore plus.
L’argument d’une absence d’expertise féminine en matière de sécurité est souvent avancé pour justifier l’absence totale (ou quasi) de femmes autour de la table, résultant à des décisions biaisées et peu sensibles aux besoins spécifiques des femmes, mais aussi des hommes, des filles et des garçons.
Lorsque les femmes sont représentées, c’est souvent à titre symbolique voire dans un rôle de figuration (tokenism) qui rend difficile une participation substantielle.
Face à ces défis, le PLF pour une gouvernance de la sécurité dans le Sahel, propose une réponse qui visera à stimuler l’émergence de la prochaine génération de femmes sahéliennes d’horizons divers, dont la voix peut influencer l’adoption de politiques adéquates pour relever les défis de sécurité qui se posent aussi bien aux Etats qu’aux populations (hommes, femmes, filles et garçons).
En suscitant un Vivier d’expertise féminin régional et en lui donnant les outils pour contribuer de manière substantielle aux questions de sécurité, l’action cherche aussi bien à amplifier la voix de la société civile pour améliorer l’ancrage démocratique des processus RSS (réforme du secteur de la sécurité) et la qualité des politiques publiques qui en ressortent, qu’à remettre en question les stéréotypes excluants pour encourager une gouvernance plus inclusive de la sécurité; et à fournir aux jeunes générations des rôles-modèles permettant de dépasser les entraves traditionnelles à la participation des femmes dans les questions de sécurité.
benedicteoued@gmail.com