Le monde entier commémore la journée mondiale de l’alimentation tous les 16 octobre.
A Dakar, Action contre la faim, NRC, Oxfam et Solidarités international alertent sur la nécessaire mobilisation des acteurs pour répondre aux défis alimentaires et nutritionnels sans précédent que continue d’affronter l’Afrique de l’Ouest à la fin de la période de soudure. Si la région est historiquement fragilisée par une insécurité alimentaire et nutritionnelle saisonnière aïgue, et chronique, la combinaison de l’impact de l’accélération du changement climatique, des conflits et de l’impact économique du Covid-19 menacent plus que jamais les moyens d’existence des populations et doit faire de la lutte contre la faim une priorité pour tous.
Des statistiques peu reluisantes dépeignent la triste réalité dans laquelle les populations africaines sombrent dans. une insécurité alimentaire chronique et qui s’accroît :
Au Nigeria, entre juin et août 2020, 1 485 000 personnes ont basculé dans la faim, une augmentation historique de 21% en 3 mois seulement. Au Burkina Faso, le nombre de personnes confrontées à la faim aiguë a doublé en moins de 6 mois, atteignant 3,3 millions de personnes alors que la réponse humanitaire elle, n’est même pas financée de moitié. Au Sahel central, le nombre de personnes déplacées internes a connu une augmentation fulgurante passant de 70,000 à 1,4 million en moins de 2 ans. Au Mali, comme c’est le cas dans l’ensemble de la sous-région, c’est 26 000 ménages qui sont victimes d’inondations liées aux fortes précipitations.
« Dans ce contexte de crises complexes et prolongées où l’insécurité alimentaire et nutritionnelle est exacerbée par de nombreuses fragilités structurelles, les conflits et le changement climatique, il est primordial d’accroître les financements humanitaires flexibles et pluriannuels et de mieux coordonner les efforts entre acteurs humanitaires et de développement » déclare Sonia Rahal, Directrice des opérations adjointe au Sahel et Lac Tchad pour Solidarités International.
« Nous souffrons beaucoup. Avant, nous avions l’habitude de manger trois fois par jour, mais maintenant, nous ne mangeons qu’une fois parce qu’il n’y a pas de nourriture et que c’est cher sur le marché » témoigne Mary Dauda, cultivateur au Nigeria.
Face à cette crise alimentaire et nutritionnelle de grande ampleur, le soutien aux éleveurs et aux producteurs et l’accompagnement dans la transition agro écologique pour les rendre plus résilients doit être priorisé et renforcé car ce sont eux qui produisent la nourriture, mais aussi ceux qui souffrent davantage de la faim. Dans les zones d’insécurité, l’accès à la terre cultivable et aux pâturages est difficile voir impossible notamment dans le liptako-gourma, le centre du Mali et le bassin du lac Tchad. Pourtant, une récente enquête de l’APESS alertait sur le fait qu’1 éleveur seulement sur 5 interviewés avait bénéficié d’une aide.
« Il y a un enjeu énorme à agir maintenant, et à anticiper sur les effets moyens et long terme de la pandémie de la covid19. Les Etats de la région ont montré leur capacité à agir très rapidement pour prévenir la crise sanitaire. La même volonté politique est nécessaire pour éradiquer la faim et la malnutrition, notamment à travers la relocalisation des systèmes alimentaires, l’agroécologie et la protection sociale » interpelle Mamadou Diop, représentant régional d’Action contre la Faim en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Face à la Covid-19, seuls les Gouvernements sénégalais et mauritaniens ont mis rapidement à l’échelle des filets sociaux de sécurité alimentaire qui ont permis de soutenir les plus vulnérables. D’après Oxfam, la région reste la moins engagée du continent dans la lutte contre les inégalités, exacerbées en temps de crise. Les systèmes de protection sociale sont pourtant un levier très important pour les réduire, un rempart puissant qui doit être mis en œuvre face à la faim pour aider les populations, et face à la pauvreté pour protéger leurs moyens d’existence.
L’impact socio-économique de la pandémie a largement augmenté la vulnérabilité des déplacés internes. Le Conseil Norvégien pour les Réfugiés rapporte que deux tiers des déplacés internes interviewés pour une enquête sur les effets secondaires du Covid avaient perdu leur source de revenus. Aissata, 25 ans, déplacée depuis que des hommes armés ont attaqué son village. « J’ai réussi à survivre en faisant le ménage dans les communautés d’accueil. Je travaillais pour eux et recevait de la nourriture en échange. Cela m’a permis de nourrir mes enfants mais depuis le début de la pandémie je n’ai pas été en mesure de continuer. »
Au-delà de l’impact immédiat constaté, la situation actuelle laisse penser que les effets des conflits, des aléas climatiques et de la pandémie de la COVID19 pourraient avoir des conséquences sur le long terme désastreuses pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations : baisse d’activités et de production, perte de revenus, appauvrissement des ménages, augmentation de la dépendance aux importations, recours au crédit et endettement, augmentation de la pauvreté, fragilisation des systèmes de santé, augmentation de la vulnérabilité des femmes et des filles (notamment risque d’augmentation de mariage précoce).
« La faim est une menace plus grave que la Covid-19 pour la majorité de la population. Nous sommes face à un double défi, à la fois réagir à l’urgence de la situation à savoir débloquer des fonds rapidement et de manière coordonnée et flexible mais aussi agir dans la durée en appuyant par une volonté politique régionale forte le développement et la mise en œuvre de stratégies de protection sociales durables efficaces et de soutien aux investissements d’élevage et agricoles orientés vers les exploitations familiales et l’agroécologie. Ensemble, nous devons et nous pouvons vaincre la faim, si nous tardons, il sera trop tard » conclut Assalama Sidi, Directrice d’Oxfam en Afrique de l’Ouest.
Les signataires :
Action contre la Faim
NRC
Oxfam
Solidarités International