La maison d’arrêt et de correction n’est pas réservée qu’aux autres puisque tant que l’on vit, nous pouvons un jour nous retrouver là-bas. C’est ce qui a emmené le directeur de la MACG, Ardiouma Millogo à dire que nous sommes tous des détenus en sursis.
Et comme personne ne sait à quel moment elle peut se retrouver à la maison d’arrêt et de correction, Ardiouma a invité les uns et les autres à fréquenter les établissements pénitenciers afin de s’imprégner de ce qui se passe à l’intérieur.
Féminin Actu s’est entretenu avec ce Grand Homme (Ardiouma), toujours disponible et ouvert, juste après les échanges avec les femmes du Vivier d’expertise féminin (sous la houlette de la coordonnatrice de WANEP, Alice Kombary/Soulama) avec les sept femmes détenues de la MACG le mercredi 01 septembre 2021.
Féminin Actu(F.A) : Pouvez-vous nous décliner votre identité s’il vous plait ?
DG : Je suis Ardiouma Millogo, inspecteur de sécurité pénitentiaire et directeur de la MACG
F.A : En tant que directeur, avez-vous déjà enregistré des plaintes de la part des détenus ?
DG : Oui, nous enregistrons fréquemment des plaintes que nous gérons. Il faut noter que les plaintes sont en fonction de degré : inférieur ou supérieur. Les degrés inférieurs sont gérés à notre niveau tandis que ceux supérieurs (que nous ne pouvons pas gérés qui doivent peut-être passés au pénal) sont gérés par le procureur « A ce niveau, le détenu reformule la demande et on transmet aux instances compétentes précisément au procureur pour la suite ».
F.A : Pouvez-vous revenir sur les degrés s’il vous plait ?
DG : Par exemple si un détenu vient se plaindre de sévices corporels, en fonction du degré, nous voyons comment résoudre son problème. Maintenant si les sévices corporels ont évolué pour prendre le coup de sévices volontaires, cela dépasse notre compétence ; c’est pour cela, on lui fait reformuler sa plainte et l’invitons à la déposer au niveau du parquet et pour un détenu, la plainte passe obligatoirement par le DG de la maison d’arrêt.
F.A : Quelles sont les conditions de détention des femmes à la MACG ?
DG : Les conditions de détention des femmes sont un peu passables « bien vrai qu’elles ne sont pas soumises au même régime que la majeur : il y’a une attention particulière à leur égard parce qu’elles constituent la couche vulnérable en milieu carcéral, donc nous avons un regard particulier envers elles ».
F.A : Existe-t-il une franche collaboration entre les femmes détenues et les GSP (gardes de sécurité pénitentiaire) ?
DG : 100% parce que, comme vous l’avez constaté lors de vos échanges, il y’a une réelle collaboration. Depuis leur entrée, il y’a les femmes GSP qui s’entretiennent avec elles et au niveau de la maison, nous formons des équipes et dans chaque équipe se trouve une femme pour s’assurer de leur bonne gestion puisque la loi 10 dit simplement que les détenues femmes doivent être fouillées par les femmes et nous respectons cette loi 10.
En ce qui concerne leur entretien, ou si elles rencontrent un problème, elles s’adressent à ce personnel féminin GSP.
On leur permet aussi de rédiger une demande adressée au directeur, soit au chef de sécurité, soit au chef du service social pour être entendues en fonction de leurs besoins, si non le suivi est fait par les femmes
F.A : Existe-t-il des activités que mènent ces femmes au sein de la MACG ? Si oui, lesquelles ?
DG : C’est vrai qu’il y’a des activités qui se mènent même si elles ne sont pas assez « il y’a essentiellement deux activités : la savonnerie et le tissage, c’est ce qu’elles font le plus »
F.A : Rencontrez-vous des difficultés dans l’exercice de vos fonctions ?
DG : Bien sûr, il n’y a pas d’institution sans difficultés et ce n’est pas bon s’il n’y a pas de difficultés. Par contre en milieu carcéral, c’est un lot de difficultés qu’on essaie au fur et à mesure de résoudre comme on peut.
Les difficultés se trouvent surtout au niveau de la prise en charge alimentaire, de l’hygiène (insuffisance de matériels d’hygiène) et de l’assainissement « j’avais dit dans la salle si vous vous rappelez, que nous ne pouvons pas parler de santé sans hygiène et même le personnel de la MACG n’est pas à l’abri s’il n’y a pas de santé ».
F.A : Quel est le nombre total des détenus au sein de votre structure ?
DG : Nous avons sept femmes sur un total de 320 détenus. Malheureusement, nous sommes en surpopulation carcérale parce que la loi préconise qu’on ait autour de 120 détenus par établissement carcéral et selon les règles minima pour le traitement des détenus (RMT) des Nations Unies, le détenu doit être dans une surface un peu raisonnable « par exemple c’est de 9m carré . Cependant au Burkina Faso, cette règle n’est pas respectée puisque nous faisons des appartements collectifs. La loi des Nations Unies dit que l’appartement est individuel : C’est la raison pour laquelle nous disons que nous sommes en population carcérale ».
F.A : Comment arrivez-vous à résoudre ces difficultés ?
DG : On les résout en fonction des degrés « J’avais dit à un certain moment que nous avons des problèmes de médicaments pour les détenus. L’Etat chaque année nous octroie un montant et ce montant est dérisoire par rapport à la charge sanitaire ; que faisons-nous ? Nous adressons des correspondances à des structures pour demander leurs aides et les organisations de la société civile (OSC). Nous avons reçu de PLAN Burkina , un don de médicaments et aussi de CM (centre médical avec antenne chirurgicale de Gaoua) et des particuliers (fraternité de prison) ». A défaut de cela, l’infirmier fait l’ordonnance et on laisse à la personne de payer ou d’appeler ses parents de venir acheter les médicaments parce que en réalité, on dit que c’est une obligation de soigner les détenus à 100%. Cependant, certaines ordonnances ne sont pas prises en compte : Il s’agit des prothèses dentaires et à un certain moment on dit que le détenu a le droit de choisir son médecin traitant et en clinique, c’est le détenu qui se prend en charge.
F.A : Quel regard ont les organisations des droits humains sur votre structure ?
DG : Nous souhaitons bien comme ce que WANEP (réseau ouest africain pour l’éducation de la paix) a fait que ces structures aient un regard sur notre institution. On aimerait qu’elles nous rendent visite afin qu’on échange « parce que très souvent les gens n’arrivent pas au puits pour dire qu’il n’y a pas d’eau. Je préfère que ces dernières viennent juste s’entretenir avec les détenus afin qu’ils exposent leurs difficultés et en fonction de cela, les solutions qu’elles nous apporteront seront les bienvenues. Parce que le regard c’est quoi, quand tu viens ici, quand tu travailles je peux voir que tout est rose, mais c’est l’œil extérieur qui va venir démontrer le contraire, c’est en fait grâce à la vision et les appréciations de l’extérieur que nous pouvons évoluer et donc à ce niveau, nous restons toujours ouvert pour la visite des OSC et de toute structure pour nous permettre d’évoluer. Et j’aime aussi le dire nous sommes tous des détenus en sursis ».
F.A : Quel mot lancez-vous à l’endroit de WANEP-Burkina ?
DG : WANEP –Burkina, franchement, je suis très très ravi de leur visite et je pense que le message qui a été passé ce matin sera pris en compte et utilisé en bon escient « vous êtes sans ignorer que ce qui s’est passé sera transmis à ma hiérarchie pour leur montrer le bienfait de votre visite. Je pense que s’il y’avait à reprendre, qu’on reprenne dans les plus brefs délais parce qu’il y’a beaucoup à apprendre et à faire : par exemple au niveau de la formation, nous pouvons faire des formations ; cependant, elles ne peuvent pas être à la hauteur de ce que WANEP a fait pour les personnes incarcérées, vue ce que nous avons suivis, je pense qu’il y’a rien de tel ».
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