+Mapin Epiphanie Kiénou, entrepreneur agro-alimentaire..


« On vient à l’entreprenariat par passion »
Mapin Epiphanie Kiénou fait partie de la nouvelle génération d’entrepreneur qui avance à grands pas de l’univers de l’agro-alimentaire. Dans cette interview, elle revient sur les péripéties et les rouages dans la création de son entreprise Divine Agro Sarl.

Présentez-vous s’il vous plait ?
Mapin Epiphanie Kiénou (M.E.K.): Je m’appelle Mapin Epiphanie Kiénou. Je suis titulaire d’une maitrise en gestion économique de l’université de Ouagadougou. Je suis transformatrice de produits agro-alimentaire. Je suis la directrice de l’entreprise Divine Agro-Sarl.
Quelle est la spécialité de votre entreprise ? 
M.E.K. : Divine Agro Sarl est une entreprise qui évolue dans le domaine agro-alimentaire. L’entreprise fait de la transformation des fruits et les légumes, des produits forestiers non ligneux. Nous transformons de la tomate en purée de tomate, du moringa sous forme d’infusion en poudre et en huile. Nous transformons tout ce qui dérive du moringa que nous mettons à la disposition des consommateurs. Nous avons débuté en 2016 avec la somme de 25 000 puis de 50000 pour s’acheter une caisse de tomate. C’est au fils du temps que nous avons essayé d’augmenter la production. Ce n’est qu’en 2019 qu’elle a été formalisée avec un capital de 500 000 FCFA. Aujourd’hui, Divine Agro emploie permanemment deux personnes. Le personnel permanent est composé de deux femmes dont moi-même. Le personnel non permanent est au nombre de cinq. Ils viennent en appui à la période de production intense.
Pourquoi avez-vous choisi et eu l’idée d’entreprendre ? :
M.E.K.: L’esprit d’entreprenariat remonte à la petite enfance. En fait, je suis issue d’une famille de parents commerçants. Dès le bas âge, ils nous ont initiés dans le métier du commerce. A partir de ce temps, au cours de mes études au primaire, j’ai commencé à vendre des « petits trucs » à l’école primaire. « Ces petits trucs » étaient des bonbons, toffee, caramel. Je vendais les produits que ce que je pouvais transformer en petite échelle et qu’on pouvait vendre entre élèves. Au secondaire c’était à peu près la même chose. Mais, ce qui va changer, j’ai pu élargir le nombre à d’autres produits tels que les parfums. Une telle activité s’est poursuivi jusqu’à l’université. A l’université, par contre, j’ai embrassé un autre type de commerce. Il s’agit du commerce de vêtements à savoir des chemises pour homme.
Qu’est-ce qui a orienté définitivement votre engagement dans l’entreprenariat au lieu de faire les concours de la fonction publique comme le rêve la plupart des étudiants diplômés en science de gestion ? :
M.E.K. : Pendant mon parcours universitaire, j’étais une fervente militante dans plusieurs associations telles que l’Association de formation au développement humain (ASODEH). Je l’ai intégré en 2009. C’est grâce à cette association que j’ai pu prendre part à des formations. En retour, j’ai été chargée de la formation d’autres personnes sur le terrain. Mais à l’époque, je signale que nous étions à la recherche des « gombos » pour décamper de la misère estudiantine du campus de Zogona. Affecté dans la zone de Bobo Dioulasso, j’ai formé des femmes en technique de transformation de la tomate pendant trois ans. Après l’obtention du diplôme de maitrise en économie, l’idée d’en faire une activité principale voire une entreprise à commencer à me hanter. La question qui m’a taraudé l’esprit à plusieurs reprises ; je détiens un savoir-faire à même à l’enseigner aux autres et pourquoi ne pas le faire pour soi-même ? Finalement, par enchantement, j’ai fini par trancher sur la question. C’est de là qu’est venue la création de Divine Agro-Sarl.
Pourquoi, le choix de l’agro-alimentaire comme activité ?
M.E.K. : Pour moi, l’entreprenariat agro-alimentaire est un secteur porteur. C’est un domaine qui me passionne énormément. Mon choix est aussi déterminé  en grande partie par la passion que j’ai pour la cuisine. J’aime ce qui est de qualité en matière de restauration. Je n’aime pas manger dehors. Ma crainte repose sur ce à quoi sont préparés les repas dans les restaurants. Une telle analyse m’a permis de me lancer dans la transformation de la tomate pour apporter un produit de qualité dans le domaine de la consommation locale.
Avez-vous bénéficié d’une formation spécifique pour la transformation de la tomate ?
M.E.K. : Oui, j’ai reçu une formation pour la tomate par l’entremise d’un projet français en 2009 au cours duquel j’ai une formation de formatrice. La formation a porté sur les techniques de conservation de la tomate. Par exemple, comment la purée de la tomate peut être conservée naturellement sur une période de deux ans.
Vous êtes dans l’entreprenariat malgré votre diplôme de maîtrise en économie, quelles aptitudes entrepreneuriales à observer et quels conseils avez-vous à l’endroit des jeunes qui sont hésitants à s’y lancer ?
M.E.K. : Pour moi, faire quelque chose de mes dix doigts est un acte qui me passionne. Sur le campus, de nombreux camarades m’ont fait cette remarque sur mes diverses activités auxquelles je me consacrais. Je ne sais à quelle époque j’ai eu des aptitudes d’entrepreneur. Ce que je puis dire c’est que je touchais à tout. L’entreprenariat est un secteur qui ne nécessite pas de diplôme pour mieux l’exercer. Mais, le fait d’avoir un diplôme est un acquis. Le diplômé a une longueur d’avance sur les personnes qui n’ont jamais été à l’école. Cela s’explique par le fait que celui qui est diplômé, a une aptitude d’assimiler facilement les choses. Toutefois, ma maîtrise en poche, ne signifie pas que j’ai cherché du travail et que je n’ai pas trouvé. A mon avis,  on ne vient pas à l’entreprenariat parce qu’on n’a pas autre chose à faire. On vient à l’entreprenariat par passion. Toute personne qui vient à l’entreprenariat par le fait du chômage, lorsqu’elle serait confrontée aux premières difficultés comme on rencontre dans toutes activités d’ailleurs, il aura envie d’abandonner très vite. C’est dire aux jeunes, de nos jours, qu’entreprendre est une bonne chose. La seule chose bonne à savoir est qu’il faut avoir suffisamment le courage de le faire. En tout cas, il faut avoir un grand rêve. Le manque d’un grand rêve n’est pas favorable à l’entreprenariat. La raison est qu’il est difficile de récolter rapidement ce qui a été semé. La plupart du temps, les retombées nous adviennent à compte-goutte. Par contre, il ne faut pas s’enorgueillir de son diplôme et vouloir laisser entendre que le fait de transformer la tomate est une activité réservée aux personnes illettrées. Le diplôme est un avantage dans l’évolution dans l’apprentissage en entreprenariat. D’ailleurs, pour moi, c’est une chance d’avoir été à l’école.
Quelles sont vos difficultés et des échecs que vous avez rencontrés ?
M.E.K. : Des échecs, j’en connais ! Le premier échec remonte au début de la production. J’ai produit et il n’y avait de marché. Un nouveau produit que les gens ne connaissent pas, c’était difficile de l’écouler. Par exemple, lorsque je me rendais dans les supermarchés, on me demandait si la publicité du produit  a été faite. Alors que la publicité, de nos jours, coûte très chère. Le manque de moyens financiers pour faire une publicité freine les alimentations à accepter l’écoulement des produits parce qu’elles n’ont pas vu la publicité à cet effet. En plus, il faut analyser le produit avant de le mettre sur le marché. Or, les coûts d’analyses sont très élevés. Et la logique voudrait qu’à chaque production, il faut analyser quitte à parvenir à signer un partenariat avec les laboratoires habilités à analyser votre produit. Si toutefois, l’entrepreneur que vous êtes, ne disposez pas d’assez de moyens pour ces préalables, vous êtes confronté à l’échec. Parfois, j’ai des troubles de sommeil lorsqu’on produit et le stock est difficile à écouler.
En cette période de COVID-19, quel est son impact sur Divine-Agro ?
M.E.K. : En période de crise sanitaire, notre activité a pris un grand coût. En ce qui concerne la tomate, la COVID-19 est survenue à une période de production intense. En effet, la période normale de production s’étend de septembre en Avril. C’est dans mois de Mars que nous produisons abondamment. Malheureusement, il se trouve que les premiers cas infectés ont été déclarés en début Mars. De surcroît, le mois de Mars marque aussi la fin de la période de production intense. Avec la maladie, Ouagadougou était en quarantaine. Or, la matière première n’est pas à Ouagadougou, elle quittait la province. Là, il est était impossible de faire venir nos matières premières. Du coup, nous sommes obligés de nous approvisionner en matière première sur place, à un prix élevé pour transformer. Dans cette situation, il n’y a pas de bénéfice. Nous avons produit en vue de fidéliser et satisfaire notre clientèle. Pour le moringa, j’ai échangé avec des clients à l’étranger. Des échantillons ont même été remis pour analyse à l’extérieur. Les commandes étaient des tonnes de poudre de moringa et de 500 litres d’huile de moringa. Avec la fermeture des frontières, j’ai perdu le marché qui s’estime à coût de millions.
Y-a-t-il des ajustements à apporter face aux conséquences de la crise sanitaire pour relancer votre entreprise ?
M.E.K. : Pour relancer nos activités, nous allons sponsoriser nos publications puisque nous vendons plus sur les réseaux sociaux. C’est une initiative qui vise à créer plus de visibilité de nos produits. Avec la saison d’intense production dans l’impasse, nous reconnaissons n’avoir pas atteint les objectifs fixés. A cet effet, nous nous battrons pour faire mieux connaître nos produits et conquérir de nouveaux clients.
Comment gérer la situation de femme au foyer et cheffe d’entreprise ?
M.E.K : C’est bien vrai que c’est deux choses différentes. Mais, quand on est à la maison, on est femme au foyer sous la responsabilité d’un époux. Sur ce point, j’arrive à faire la part des choses. Il y a des limites à ne pas franchir. Heureusement, Je vis avec une personne qui comprend. Je pense que nous avons à peu près la même vision des choses.
Un dernier mot !
M.E.K. : Mon dernier mot est d’inviter la jeunesse à se lancer dans l’entreprenariat. En fait, c’est un domaine porteur qui va permettre l’auto-employabilité et l’employabilité des jeunes. A long terme, cela une fierté de contribuer non seulement à l’indépendance financière mais aussi à la formation d’autres personnes. Il est bien vrai que l’entreprenariat n’est pas facile. Car, rien n’est facile d’ailleurs dans nos cieux. Le mieux est d’éviter tout ce qui oriente vers la facilité. Le début dans l’entreprenariat est jalonné de nombreux obstacles qui appellent à relever des défis afin de mieux avancer. C’est au fur et à mesure que l’on surmonte les énormes défis que la croissance s’acquiert.
Propos recueillis par Achille ZIGANI
Légende :
Photo1 : « En tout cas, il faut avoir un grand rêve. Le manque d’un grand rêve n’est pas favorable à l’entreprenariat. La raison est qu’il est difficile de récolter rapidement ce qui a été semé. La plupart du temps, les retombées nous adviennent à compte-goutte », Mapin Epiphanie Kiénou.
Photo2 : Une visite de l’unité de production a permis …
Photo3 : …. de découvrir le stock de purée de tomate.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.