Le Burkina Faso est l’un des 16 Etats africains à avoir interdit l’excision.
La loi adoptée en 1996 stipule que toute personne accusée d’avoir excisé une jeune fille est passible d’une amende de 900.000Fcfa (1800dollars) et de trois années de prison, cette peine pouvant être portée à dix ans d’emprisonnement en cas de décès de la victime.
Cependant, le nouveau code pénal a prévu des dispositions plus répressives de l’excision a indiqué Julie Rose Ouédraogo, magistrat et membre de l’association des femmes juristes et de l’ONG « Voix de Femmes ».
En effet, selon elle, le nouveau code pénal a rendu plus sévère la répression « Avec le nouveau code pénal, c’est l’article 513-7 du nouveau code pénal qui réprime d’un emprisonnement de 1 à 10ans et d’une amande de 500 .000 à 3.000.000fcfa quiconque porte ou tente de porter atteinte à l’intégrité de l’organe génital féminin par ablation, par excision, par infibulation, par insensibilisation ou par tout autre moyen .
Il y’a des peines plus graves si la mort en résulte, à ce moment la sanction est de 11 à 21ans et une amende de 1.000.000 à 5.000.000 ».
Bien que la pratique de l’excision au pays des hommes intègres soit sévèrement réprimée, elle a quand même la peau dure et ne laisse personne indifférente.
A la question de savoir pourquoi elle a la peau dure malgré la répression, Docteur Moussa, Gynécologue Obstétricien et chef de service au district de Kossodo qui a reconnu la pertinence d’une telle question, a signifié qu’il était difficile de trouver une réponse à une telle préoccupation.
En effet pour lui, c’est une pratique ancestrale et cela fera bientôt trois décennies de lutte contre la pratique au Burkina. En s’inspirant des statistiques de l’EDS (enquête démographique de santé) 2015, Docteur Drabo a fait ressortir la prévalence qui est passée de 13% à 11% entre 2010- 2015 chez les filles de 0 à 14ans ; et de 75% à 67% chez les femmes de 15 à 49 ans pour la même période « La lutte sera certainement longue, on finira par venir à bout de ce fléau. Il faudra certainement répertorier toutes les raisons avancées pour justifier la pratique et adopter d’autres stratégies de lutte adaptées », a- t-il dit.
Et parlant de raisons, elles sont nombreuses et à prendre au sérieux a expliqué le coordonnateur de l’ONG « Voix de Femmes », Raphael Zonnaba.
La 1ère des raisons selon lui, c’est que l’excision est un phénomène qui est ancré dans la société et les gens y croient , donc il est difficile pour une simple sensibilisation d’arriver vraiment à faire changer les attitudes de toute la communauté « Bien sûr quand vous rentrez dans les communautés, on dit que tout n’est jamais globalement homogène, il y’a des gens qui vont adhérer aux informations, à la sensibilisation que vous faites, il y’en a aussi qui vont faire semblant d’adhérer et qui, malheureusement vont continuer cette pratique ignoble ».
Une autre raison résulte du fait que beaucoup de jeunes filles tombent enceintes avant de se marier ; ce qui déshonore la famille puisque beaucoup pensent que c’est parce qu’elles ne sont pas excisées, qu’elles sont frivoles et n’arrivent pas à se contrôler, donc le laisser-aller, a-t-il poursuivi « Il ne faut pas oublier la question de la santé sexuelle reproductive d’une façon globale : Nous remarquons que beaucoup de filles tombent enceinte ; ce qui est un gros problème et les gens pensent que c’est parce que les filles ne sont pas exicées, qu’elles tombent en grossesse . Pourtant, il n’existe aucun lien entre l’excision et les rapports sexuels d’autant plus que dans certains pays en Europe, les gens ne sont pas excisés, mais ce n’est pas pour autant que les filles de 15- 16 ans tombent à tout hasard en grossesse »
Raphael qui pense que ce problème est relatif à un problème d’éducation ; un problème d’information des jeunes ; un problème de mise à la disposition de ces jeunes, des moyens pour éviter les grossesses, a suggéré qu’on fasse de telle sorte que les jeunes filles ne puissent plus tomber enceinte « Parce que si nous arrivons à faire en sorte que les jeunes ne tombent plus en grossesse, cet alibi qui veut qu’on excise les filles pour éviter que les filles ne tombent en grossesse, est un alibi qui va tomber en désuétude , mais nous sommes dans ce processus , je pense que le Burkina est dans ce processus ».
Et pour compléter ce qu’il a dit, il a préconisé que la planification familiale soit une réalité et soit généralisée (tout en étant gratuite) de telle sorte qu’elle soit accessible à tous et que tous l’acceptent « Les gens doivent savoir que prendre une méthode contraceptive, ne veut pas dire se prostituer, mais c’est se prévenir d’une grossesse en évitant de compromettre l’avenir des filles : Vous prenez les méthodes qui vous éviteront de compromettre totalement votre avenir ».
La 3ème raison ; est un problème religieux a-t-il dit « d’autres évoquent la question religieuse pour dire que dans la religion musulmane, il faut exciser la femme afin qu’elle ne soit pas infidèle , « En réalité, quand vous suivez aussi de très près, ce n’est pas une prescription, d’autant plus quand vous regardez dans certains pays musulmans, tels que la Lybie, la Tunisie et même l’Arabie Saoudite ( qui est le berceau de l’Islam , les gens y vont pour devenir Adja ou Ladji ), ce sont des pratiques qui n’existent pas , en fait ce sont de fausses interprétations de la religion et certains pensent même qu’une bonne Musulmane doit être excisée, ce n’est pas vrai ».
Moussa Guiro abondant dans le même sens que Raphael, pense que tout ce qui est social, a souvent la peau très dure ; c’est pour cela il a souhaité que les mentalités puissent changées, même s’il faut reconnaitre que le changement de mentalités ne peut pas se faire à l’instant d’une génération « il faut vraiment persévérer et je pense que ce que nous faisons et connaissons aujourd’hui, nos enfants ne le feront pas demain parce qu’ils ne verront pas l’intérêt de l’excision »
L’excision qui est devenue beaucoup très rare dans les villes et c’est dans certaines contrées qu’on la rencontre, pour lui, on pouvait la résoudre avec beaucoup de tact et avec beaucoup de patience, a-t-il lâché.
Des progrès significatifs sont enregistrés au cours de ces dernières années.
L’éradication de l’excision requiert une lutte de longue haleine a expliqué Raphael ; cependant, la lutte doit continuer sans découragement en impliquant la population de telle sorte qu’on puisse rehausser le niveau d’éducation de celle-ci, ce qui nous permettra de la convaincre à abandonner cette pratique qui n’a pas de valeur a-t-il poursuivi « Je dois dire qu’il y’a des progrès assez significatifs car si nous prenons les enquêtes multi sectorielles, de même que celles démographiques de santé les plus récentes, 2010 -2015, on note que la prévalence par exemple chez les enfants de 0 à 13 ans , a chuté ; nous sommes autour de 11% selon les enquêtes multisectorielles et autour de 13,5% pour les enquêtes démographiques : Donc, vous voyez sur 100filles qui ont entre 0 à 14 ans aujourd’hui, il n’ya que 13 qui sont excisées en 2010 et 11 en 2015. C’est un gros effort parce que si vous remontez encore très loin dans les années 70 – 90, quand vous prenez 100filles de ces âges, pratiquement ce sont les 90 ou 95% qui sont exicées ».
Docteur Moussa Drabo tout comme Raphael qui pense que l’excision est une pratique ancestrale, n’en doute point que la lutte sera certainement longue, mais qu’on arrivera à venir à bout de ce fléau. C’est pourquoi il a suggéré de répertorier toutes les raisons avancées pour justifier la pratique de l’excision en adoptant d’autres stratégies de lutte adaptées.
Plusieurs activités sont menées en vue de son éradication complète du Pays des Hommes Intègres.
Un des domaines principaux d’actions de l’ONG « Voix de Femmes », est la lutte contre les mutilations génitales féminines communément appelées excision. C’est la raison pour laquelle plusieurs stratégies ont été mises en place par l’ONG a souligné Raphael.
La 1ère stratégie a consisté à la mise en place d’un centre qui permet d’assurer la prise en charge des questions liées à la santé sexuelle reproductives, mais de façon spécifique d’assurer les réparations des séquelles ; ce centre est animé par une étude pluridisciplinaire composée bien entendu d’acteurs de santé (psychologues,) a-t-il poursuivi.
En plus de cela, l’ONG a développé des ateliers de sensibilisation subdivisée en plusieurs stratégies, a-t-il mentionné.
La 1ère stratégie concerne les théâtres forum (que nous faisons de temps en temps avec certaines troupes théâtrales,) ;
La 2ème est relative à ce que l’on appelle les dialogues en familles « des stratégies consistant à aller dans les familles et à réunir les membres de la famille pour discuter avec eux sur les MGF (mutilations génitales féminines). L’intérêt de cette discussion, c’est que cela a permis de briser la glace entre les parents, les enfants et tous ceux qui sont autour de la famille parce que les questions de sexualité sont des sujets tabous et donc le dialogue en famille permet justement de briser la glace, d’impliquer les jeunes »
La mise en œuvre de cette stratégie a finalement abouti à ce qu’on appelle les déclarations publiques, c’est-à-dire que dans un 1er temps les familles font des déclarations et ensuite fait place à une déclaration par famille dans laquelle les membres de la famille reconnaissent les conséquences néfastes de ces MGF et décident à l’unanimité de les abandonner tout en promouvant l’abandon de ces pratiques, a-t-il expliqué et d’ajouter que la déclaration publique réunira les membres des différentes familles.
En ce qui concerne la 3ème stratégie, elle concerne les sensibilisations à tous les niveaux a mentionné Raphael « Vous avez la sensibilisation par les ciné-débats, la sensibilisation à travers les clubs : par exemple au niveau des jeunes scolaires non scolarisés, on peut avoir ce que l’on appelle des clubs qui sont généralement des regroupements d’enfants âgés de 10- 19 ans et ces clubs bénéficient d’un certain nombre d’animations sur les MGF ».
Quant à la 4ème stratégie, des jeux sans tabou sont initiés au sein de l’ONG a-t-il dit « Nous avons ce que nous appelons les jeux sans tabou consistant à regrouper des enfants autour de 10- 15 ans et à les faire jouer ; ce sont des jeux dans lesquels il n’ya pas de tabous et qui permettent aux enfants d’aborder les questions liées à la santé sexuelle et reproductive et celles relatives aux parties génitales féminines ».
Au-delà de ces actions de sensibilisation, de prise en charge, il y’a le renforcement des capacités des acteurs, des jeunes, des femmes, des communautés de leaders religieux et coutumiers qui est aussi très important a-t-il ajouté « Afin de les emmener, de les inciter à devoir également contribuer à la lutte contre cette pratique néfaste ».
La 5ème stratégie concerne les actions de plaidoyer « Ce sont des actions dirigées à l’adresse des leaders coutumiers et religieux, des décideurs politiques tels que l’Assemblée Nationale, le Gouvernement en matière de lois, en matière d’application des lois ».
Selon Raphael, il faut aller étapes par étapes si l’on veut vraiment que la population comprenne ce que l’on veut et attend d’elle « il y’a la définition, les conséquences, l’ampleur, le cadre juridique ; il y’a plusieurs aspects qui sont discutés quand on va au niveau des clubs et un club peut être animé pendant un mois le temps d’aborder tous ces pans du thème de l’excision ».
Les litiges d’impact stratégiques viennent couronnés les différentes stratégies suscitées, a-t-il signifié.
Les litiges d’impact stratégiques sont beaucoup en avance dans les pays développés ; il s’agit par exemple d’identifier des cas précis d’excision pour situer les responsabilités « C’est vrai que nous sommes une ONG pionnière sur ce plan. Je prends un exemple : s’il se trouve qu’on a alerté le Gouvernement qu’il y’a des enfants qui risquent d’être excisés , la gendarmerie et la police étant des représentants de l’Etat , si elles ne font pas l’effort d’aller empêcher que l’excision n’est lieu, sous prétexte qu’elles n’ont pas de carburant pour le déplacement, cette excision peut faire l’objet d’un litige d’impact stratégique, cela veut dire que l’Etat n’a pas joué pleinement son rôle pour empêcher cette excision.
Et si par malheur parmi les filles excisées il y’a une dizaine qui ont des séquelles irréversibles , l’Etat est responsable , donc l’ONG peut prendre un avocat qui va intenter un procès contre l’Etat pour lui demander non seulement pour ces genres de cas, de prendre avec sérénité des dispositions mais aussi et surtout de voir comment il peut réparer parce que quelque part, il est responsable , on peut aussi intenter un procès contre les parents ,mais vous savez quelques fois les parents vous diront qu’ils ignoraient, nous ne savons pas que c’est interdit, même quand bien même ils savent que c’est interdit ».
Ces litiges qui ont débuté dans les années 2016- 2018 au pays des Hommes intègres, n’ont pas pour vocation première la répression a-t-il précisé « Ils permettent d’attirer l’opinion publique sur cette question de MGF ; on ne condamne pas forcement des gens, mais c’est déjà une forme de propagande pour une organisation qui intente un procès contre soit l’Etat, soit un tiers, un parent , ou tout acteur qui est impliqué dans la pratique de l’excision. Cependant, nous déplorons l’insuffisance de retour. Qu’à cela ne tienne, c’est une bonne stratégie puisqu’elle implique surtout la presse qui joue un rôle très important car elle relaie les procès afin que l’opinion publique soit informée ».
Comment se fait la prise en charge.
La question de la prise en charge selon Raphael, est une des stratégies qui est mise en œuvre, il n’ya pas encore très longtemps « Pendant plusieurs décennies, on a fait plutôt de la sensibilisation et c’est au cours peut-être de la dernière décennie il y’a environ 10ans que le Gouvernement a mis en place la prise en charge comme étant important dans la lutte contre les MGF ».
En ce qui concerne les réparations des séquelles, l’ONG enregistre en moyenne 14 à 15 cas par an « parce que jusque-là, c’est toujours un tabou. Les femmes ont honte de s’exprimer par rapport à l’écoulement de leur urine, aux accolements, aux kystes et aux chéloïdes dont elles sont victimes ; le plus souvent, elles se cachent pour venir se confier à nous ».
Même son de cloche pour Docteur Drabo « C’est vrai que nous prenons en charge la réparation des séquelles d’excision ou des cas de complications comme par exemple les rétrécissements vulvaires ou des chéloïdes qui sont des mauvaises cicatrisations. Ces complications que nous venons de citer peuvent entrainer chez les femmes des rapports sexuels douloureux. Des cas de complications avec rétention aigue d’urine chez une petite fille avec impossibilité d’uriner ont été constatées et cette dernière a dû subir une intervention en urgence ».
Qu’est-ce -que l’excision
Docteur Moussa Guiro chirurgien de profession au niveau de yalgado et responsable de la prise en charge des femmes victimes de fistule obstétricale à l’hôpital St Camille, la défini comme étant l’ablation du clitoris et parfois accompagnée de l’ablation des petites ou grandes lèvres « cette ablation peut entrainer d’autres conséquences dont la survenue des fistules , ce qui peut entrainer une fibrose au vagin rendant difficile l’accouchement ; provoquant parfois la survenue de la fistule obstétricale.
Nous réparons l’excision qui est différente de celle de la fistule ( qui nécessite qu’on fasse ressortir le clitoris) afin d’améliorer la vie de la femme pour l’accouchement et permettre à la vulve d’être perméable pour le rapport sexuel ».
Pour Moussa Drabo, l’excision est une ablation d’une partie ou la totalité des organes génitaux externes de la femme « Cela peut être soit le clitoris seul, ou peut-être le clitoris et les petites et grandes lèvres donc, il y’a plusieurs types d’excision ».
Elle (excision) peut avoir un inconvénient « par exemple lorsqu’on arrive à léser la partie génitale, certaines femmes n’auront plus de désir, il y’aura alors une baisse de la libidose, a-t-il souligné « Les femmes excisées auront tendance à refuser leurs mari ou des rapports sexuels qui sont le plus souvent douloureux. Un autre constant est que l’excision va entrainer un fonctionnement difficile de l’appareil génital externe puisque l’enfant aura du mal à sortir vue que la partie génitale est tellement réduite et blessée ».
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