Poursuivie par la justice belge dans un dossier concernant la garde de sa fille, la chanteuse malienne a pris la fuite vers le Mali début mai. L’affaire suscite émoi et incompréhension. Ce journaliste de Wakat Séra plaide pour une issue pacifique.
Ce qui aurait pu être un simple fait divers est en train de devenir une affaire d’État. Rokia Traoré n’est pas n’importe qui. Fille de diplomate, la Malienne est une star de la musique africaine. Sa renommée a, du reste, transcendé les frontières du continent, car celle qui a enregistré ses premières chansons sous la direction artistique de l’immense [musicien malien] Ali Farka Touré est même plus adulée en Europe que sur la terre du mythique souverain Soundiata Keïta [créateur de l’Empire mandingue au XIIIe siècle, aujourd’hui célébré en héros].
Digne descendante de ce fondateur de l’Empire du Mali, Rokia Traoré, parfois la boule à zéro ou coiffée à la garçonne, porte haut le flambeau de la musique mandingue, mixée avec des sonorités modernes occidentales. Si elle a toujours occupé l’actualité en tant qu’ambassadrice incontestée de la musique, dont la voix et les cordes de sa guitare charment les oreilles les plus dures, aujourd’hui, Rokia est une simple femme en fuite.
Dangereuse criminelle?
Poursuivie par la justice belge pour non-respect d’un jugement rendu en 2019 qui la contraignait à remettre sa fille de 5 ans à son père, de nationalité belge, l’amazone venue des bords du Djoliba [“fleuve Niger”, en mandingue], retournée dans son Mali natal sur la pointe des pieds début mai, pourrait bientôt faire l’objet d’un nouveau mandat, qui, cette fois-ci, viendrait de la France, pour violation de contrôle judiciaire.
Qu’a-t-elle donc fait pour être pourchassée comme une dangereuse criminelle ? Le seul péché de Rokia Traoré, c’est son refus de se séparer de sa fille. Comme l’auteur à succès Betty Mahmoody, Rokia Traoré a osé dire “jamais sans ma fille”, alors qu’une décision de la justice belge allait lui enlever son enfant.
Voix diplomatique
Et si la justice, qu’elle soit belge, française ou internationale, jouait sur le terrain de la pacification, où entend l’amener le ministre malien des Affaires étrangères ? À notre humble avis de quidam qui pense, peut-être naïvement, aux intérêts d’une enfant que cette affaire pourrait traumatiser à vie, il est temps de trouver un modus vivendi dans ce feuilleton judiciaire, au moins jusqu’à ce que la petite fille puisse avoir l’âge de décider avec lequel de ses parents elle veut vivre ou tout au moins l’âge d’être séparée de sa mère. La loi recommande également cette option.
Question : combien sont-ils aujourd’hui, ces enfants africains métissés, belges ou français, dont les pères ont quitté le continent après la colonisation ou une mission de longue durée, les abandonnant à leur triste sort ou, pire, les arrachant à leurs mères, noires, sans défense et malheureusement dans l’ignorance de la loi ? À moins que d’autres desseins n’aient pas été révélés, cette affaire ne doit pas en être une ou alors ne devrait pas sortir de ce que nous appelons dans le jargon des journalistes la rubrique des “chiens écrasés”.