« Ma passion, c’est d’aider les FDI (femmes déplacées internes). J’aime les femmes qui ont quitté le Soum (localité en rouge au BF, une des 45 provinces située dans la région du Sahel et a pour chef-lieu Djibo) et qui viennent ici (à noter que les FDI préfèrent se réfugier d’abord chez Rouki avant que cette dernière ne facilite leur intégration dans les camps des réfugiés dressés par le HCR (haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés qu’il faut vraiment féliciter pour ses multiples efforts à l’endroit de cette cible). Ce sont des femmes que je connais, qui ont quitté chez moi ; je connais la majeure partie d’entre-elles et après, je me suis rendue compte qu’elles faisaient vraiment pitié : une personne que tu connaissais très bien hier et qui se retrouve aujourd’hui sans rien et ne sait pas où aller ou quoi faire, se lève le matin sans activité à faire, qui ne sait pas ce que deviendra demain, c’est cette pitié qui m’amène à leur venir en aide » Dixit Roukia Soh Maiga.
Mère de cinq enfants, celle qui a perdu son 1er fils ( de 34 ans, électricien et père de deux enfants. Tué parce que possédant une carte d’identité faite à Arbinda selon Rouki ) tué par les terroristes à Tèra, présidente de la coopérative Jamweli (qui signifie la paix est bonne en fulfuldé), originaire du Soum et d’ethnie Foulssé, mariée à un agent d’agriculteur à la retraite d’ethnie peuhle (et venant aussi du Soum), ayant obtenu un trophée de reconnaissance à Kigali (grâce au HCR : haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés) pour ses multiples efforts à l’endroit des PDI (personnes déplacées internes), Roukiatou Soh Maiga alias Rouki , âgée de plus de 57ans, accueille à bras ouverts et loge les femmes et les hommes déplacés internes .
Féminin Actu a rencontré cette brave Dame le samedi 15 janvier 2022 à Ouagadougou.
Les PDI (personnes déplacées internes) s’intègrent facilement.
Il n’y a pas de problème d’intégration pour les réfugiés et certains autochtones n’hésitent pas à les abriter chez eux a confié Rouki « Les réfugiés arrivent à s’intégrer facilement ; le seul problème que nous rencontrons est relatif à l’insuffisance ou le manque d’eau, de nourriture, au problème de surpeuplement.
Il n’y a pas de problème au niveau du vivre-ensemble : la preuve en est que les enfants des autochtones et ceux des PDI sont tous ensembles, s’amusent ensemble (ce qui montre qu’il y’a cohésion quand on sait que les querelles viennent toujours de nos enfants) et les femmes aussi son ensemble. Tout ne peut pas être parfait, mais néanmoins ça va. Vous voyez que souvent la dent et la langue se frottent de temps en temps, pour vous dire qu’on arrive à gérer ».
Abdoulaye Hoeffi Dicko, président de la section MBDHP (mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples) Séno et vivant au quartier Ouindou (accueillant plus de PDI à Dori) avec Rouki est revenu sur le vivre-ensemble entre réfugiés et autochtones « Il faut dire que la population de Dori est habituée aux PDI (qui sont très nombreuses). Cela fait trois ans que nous vivons ensemble. Les 1ères vagues sont arrivées en 2019, les 2èmes en 2020 et début 2020-2021.Nous les avons accueillis à bras ouverts ; la preuve est que nous leur venons en aide à travers l’eau, les vivres et autres ».
Nous rencontrons plusieurs difficultés.
Nous rencontrons beaucoup de difficultés a indiqué Rouki « Surtout le manque de moyens, mais néanmoins, je partage tout ce que j’ai avec elles. Mon mari est à la retraite et c’est compliqué pour nous puisque tout ce que nous gagnons, on le partage avec ces PDI (nous accueillons aussi des hommes chez nous et il arrive qu’on se retrouve avec plusieurs PDI à la maison). En tant que mère d’enfants peulhs et de femme dont le mari est peulh, quoi de plus normal que de venir en aide aux peulhs (qui sont les plus nombreux à fuir leurs concessions à cause du terrorisme). C’est ce sentiment de pitié qui m’emmène à les aider sans réfléchir ».
D’autres préoccupations ont été soulevées par le président du MBDHP (mouvement burkinabé des droits de l’homme et du peuple).
Le mode de vie des villages emporté en ville pose des problèmes de circulation, de comportement, même de bienveillance a souligné tristement Abdoulaye, président du MBDHP Dori « lorsque les gens quittent le village pour la ville, ce ne sont pas les mêmes zones et le minimum n’étant pas connu, ça devient compliqué ; compliqué parce que le mode de vie des villages emporté en ville pose des problèmes de circulation, de comportement même, de bienséance ».
Une autre difficulté non négligeable est le problème de cohabitation entre autochtones et entre autochtones et réfugiés, a-t-il ajouté « Il n’existait pas de problèmes de cohabitation entre autochtones avant l’arrivée des réfugiés. Depuis que ces derniers sont venus et vue leur nombre, cela devient compliqué puisque l’espace se réduit et souvent nous assistons à des incompréhensions de part et d’autre ».
Ouindou qui est un quartier nouveau est aussi confronté à d’autres problèmes que sont : manque d’eau potable, insuffisance d’écoles et d’établissements sanitaires « Il n’ya pas assez de forages, pas assez de logements ni d’écoles ni d’établissements sanitaires ».
En ce qui concerne les établissements sanitaires et scolaires, Ouindou comporte un CSPS (centre de santé et de promotion sociale) qui, jusque-là n’était pas du tout fréquenté a-t-il mentionné « Avant, c’était un CSPS qui n’était pas fréquenté (dans le temps, quand vous partiez en consultation, vous trouviez une ou deux personnes sur place). De nos jours, lorsque vous vous y rendez, vous pouvez attendre toute une matinée voire toute une journée pour une simple consultation.
L’école publique de l’ENEP (école nationale des enseignants du primaire) était une école d’excellence et comportait au maximum 18 à 20 élèves. De nos jours, on compte plus d’une centaine d’élèves qui y sont et certaines écoles de la ville sont passées d’une classe de CP1 à 8 : vous voyez un peu ce que cela pose comme problème sur l’exploitation de l’édifice public ».
La circulation des personnes et des animaux est aussi une préoccupation a relevé Abdoulaye « Ces PDI ne savent pas ce que c’est que le code de la route ; ce qui entraine de nombreux accidents souvent très mortels. C’est vrai que nous vivons déjà avec nos animaux et cela n’est pas du tout facile pour nous et on se demande de quoi sera fait demain du moment que la population ne fait que s’accroitre de jour en jour.
Au niveau de l’eau, le HCR a permis d’avoir beaucoup de forages grâce à des travaux, a-t-il dit « Voyez-vous, notre marre qui, habituellement a l’eau jusqu’en mai-juin, s’est complètement desséchée ».
Le camp de Goudougou est aussi une préoccupation pour la population de Dori
« Il y’a un autre cas dans notre quartier, le camp de Goudougou qui s’est déversé dans la ville de Dori. Ce sont des réfugiés maliens qui avaient quitté Mentao pour Djibo et on les ramène à Dori (une partie est à Ouindou et une autre se retrouve dans un village situé à 1km de Dori appelé Kogossamboué (qui signifie le parc de Sambo en fulfudé).Ce qui fait que cela est assez compliqué ».
Si les gouvernants avaient pris des précautions, le problème de surpeuplement n’allait pas se poser ni à Dori ni à Kaya.
« Nous savons que nous sommes dans l’insécurité ; nous savons que nous sommes fréquemment attaqués ; nous savons aussi qu’à tout moment les villages peuvent se vider.
Le gouvernement devait prévoir des sites d’accueil et penser à comment la ville de Dori pouvait accueillir le nombre de PDI. Ce sont des mesures à penser à l’avance en trouvant des systèmes alternatifs.
Nous avons l’impression que le gouvernement ne se soucie de rien.
Abdoulaye qui pense que le gouvernement burkinabé ne se soucie pas assez des PDI, l’invite à plus prendre en compte cette population vulnérable « si on terrorise des gens, ils se déplacent, ce n’est pas le problème du gouvernement, pourvue que ces PDI ne s’installent pas dans la capitale Ouagadougou.
Tout le monde se rappelle qu’au début des attaques, certaines s’étaient installées à coté de Ouagadougou et la ministre à l’époque, Laurence Marchal Ilboudo avait refusé catégoriquement qu’elles soient proches de Ouagadougou en leur faisant comprendre qu’elles devaient s’installer dans les sites érigés pour elles tels que Barsalogo, comme s’il y’a des villes au Burkina qui sont désignées pour recevoir des PDI ».
Dans la constitution, tous les Burkinabés sont égaux, a précisé Abdoulaye « Je rappelle que nous sommes tous des Burkinabés et dans la constitution il est mentionné que tout Burkinabé peut résider ou et comme il veut et si nous ne faisons pas attention, un jour viendra où certaines villes comme Dori ou comme Kaya ne pourront plus recevoir ces PDI et ce sera un sérieux problème ».
Rouki mène des activités avec les FDI qui leur permettent de subvenir à leur besoin.
« Nous avons des champs de mil, de haricot, de petit- pois, de gombos, de bissap. Je cultive avec les FDI (15 sont dans notre coopérative). Nous écrasons la farine de niébé pour la transformer en gâteaux, en biscuits ou on laisse la farine telle quelle et on les revend aux femmes qui font les beignets pour vendre. Le sachet de farine coute 500Fcfa. Nous faisons aussi les grumeaux et couscous de petit mil que l’on revend aussi », a-t-elle conclu.
benedicteoued@gmail.com